Le 1er avril 2014, les élu-e-s du conseil d’arrondissement du Sud-Ouest ont adopté à l’unanimité une résolution favorable au logement social et plus particulièrement en rapport avec les nouvelles revendications pour l’acquisition d’une banque de terrains pour réaliser des logements sociaux.
Cette très longue résolution, incluant onze « considérants », ramasse l’essentiel des demandes des organisations communautaires à Montréal. Mentionnons que cette résolution a été préparée avant la manifestation organisée par les 4 Tables de quartier du Sud-Ouest qui a regroupé environ 125 personnes. C’est dire que les élu-e-s ont senti la nécessité d’avancer sur cet enjeu du logement social.
La stratégie populaire devra s’intensifier
Dans le communiqué de presse des 4 Tables, on indique la situation catastrophique sur le front du logement pour les ménages à faibles et modestes revenus. Les besoins à court terme sont de 3 800 logements dans le Sud-Ouest. Les Tables demandent que l’arrondissement dépose une stratégie d’intervention et des moyens d’action pour atteindre l’objectif d’une banque qui pourra recevoir les projets de logements social.
La résolution des élu-e-s est sans doute celle qui va le plus loin actuellement à Montréal. Mais on ne sait pas s’ils et elles sont d’accord avec la réalisation rapide (sur 4 ans par exemple) de 3 800 logements sociaux dans le Sud-Ouest. La conseillère Sophie Thiébault s’est ouvertement posé la question lors du conseil « Avons-nous suffisamment de terrains pouvant être acquis pour tout réaliser ? » Tout en concluant avec raison que l’argent était le nerf de la guerre.
Intéressante et significative la remarque du maire Dorais suite à la question de Marco Silvestro au nom des 4 Tables du Sud-Ouest. …« et je n’entre pas dans l’idéologie est-ce que capitalisme, non-capitalisme, je laisse ça de côté et je reste pratico-pratique » se mettant à expliquer les diverses interactions entre les paliers de pouvoir. On touche ici au paradoxe même de la résolution des élu-e-s qui s’adressent aux pouvoirs à Ottawa, à Québec et à Montréal. Même Benoit Dorais reconnaît que les diverses demandes pour une banque de terrains étaient bloquées à la ville-centre avant qu’il ne devienne responsable de l’habitation durant quelques mois en 2013 et ne règle certains dossiers. La question de l’idéologie et du capitalisme, même si le maire ne veut pas en tenir compte, est fondamentale. C’est en effet un choix politique et idéologique que le fédéral a fait en 1994 en coupant le financement et en menaçant aujourd’hui de ne plus reconduire les subventions des logements existants. C’est un choix politique que les élu-e-s à Québec font de ne financer que 3 000 logements sociaux pour l’ensemble du Québec et c’est un choix politique que les élu-e-s de la ville-centre ont fait de bloquer toute action pour créer une banque de terrains. Lorsque l’ancien maire Tremblay déclarait que c’était les promoteurs privés qui développaient Montréal, c’était encore un choix politique et économique. Voilà où on en est. Et peut-être pour rappeler que les pouvoirs politiques (y compris les néo-libéraux montréalais) ne vont pas dans la bonne direction, 10 000 personnes ont manifesté dans les rues de Montréal contre l’austérité en ce 3 avril à l’appel des étudiant-e-s de l’ASSÉ.
Donc, les élu-e-s du Sud-Ouest nous disent que si on a l’argent on va les faire ces logements sociaux. Une prise de position qu’il faut considérer comme claire pour le moment. Mais soyons lucides, cette position renvoie la balle dans le camp populaire. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’une déclaration politicienne, aussi bien pavée de bonnes intentions que celle-là, ne pourra pas faire sauter le bouchon qui nous donnerait une vraie banque de terrains.
En effet, il faut bien évaluer la dynamique résultant de la résolution de l’arrondissement. Celle-ci s’inscrit dans la logique du système bureaucratique et ce système a la particularité de paralyser tout le monde y compris les mouvements sociaux. Le maire Dorais l’a amplement expliquée et a voulu être « très clair », je dirais même extrêmement clair afin de montrer que les élu-e-s du Sud-Ouest ont fait leur travail et que maintenant ce sont les autres paliers qui doivent agir. « Allez donc faire des pressions ailleurs » semblent nous dire les élu-e-s, c’est-à-dire à la CMM (Communauté métropolitaine de Montréal), à la ville centre, etc.).
Benoit Dorais a raison, mais il a aussi tort. L’agenda des élu-e-s ne doit pas devenir l’agenda du mouvement social, sinon dans 3 1/2 ans, pas grand chose n’aura changé. C’est la dure réalité qu’il faut admettre.
Les 4 Tables demandent dans le communiqué que l’arrondissement développe une stratégie et des moyens d’action. Rien de tel dans la résolution du 1er avril. Il faut revenir à la charge. C’est-à-dire qu’entendent faire les élu-e-s pour que le logement social (en premier lieu la constitution d’une banque de terrains et de bâtiments) deviennent une priorité dans les enjeux d’aménagement urbain. Je pense que les militant-e-s devront les « aider » c’est-à-dire leur suggérer des pistes. Le mouvement pour le logement social a des devoirs à faire. En fait, la question est comment faire en sorte que notre priorité pour une banque de terrains deviennent LA priorité de l’arrondissement en matière d’aménagement urbain ? Ici on force les élu-e-s à sortir du petit train train des institutions s’ils et elles veulent réellement devenir des leaders sur cet enjeu.
L’autre enjeu déplace la démarche des 4 Tables du Sud-Ouest sur la scène montréalaise. En effet, dans d’autres quartiers, la question « À qui la ville » a déjà été mise de l’avant. Le Sud-Ouest n’est donc seul. Des contacts et probablement des actions de dérangement devront être mis en action vers les responsables de l’habitation de Montréal, vers le conseil de ville et pourquoi pas une visite à la CMM dans un premier temps.