Pour celles et ceux qui suivent les péripéties socio-politiques de l’appropriation du bâtiment 7 à Pointe-Saint-Charles, un party « intime » se voulant la toute première activité d’appropriation publique et collective à l’intérieur du B7 s’est déroulé dans la soirée et la nuit traversant 2017 à 2018. De 2 à 300 personnes y compris de nombreux enfants ont foulé ensemble et à divers moments du 31 et du 1er, les futurs locaux des Sans taverne (brasserie/bar/café) et de l’épicerie de quartier autogérée Le Détour, transformée en salle de danse pour l’occasion. Musique, boissons, bouffe, jasettes et jeux ont ponctué cet émouvant moment.
On voit ici les 12 membres de la chorale libertaire de la Pointe..
Au-delà de cette première fête qui se déroulait pour la toute première fois à l’intérieur, c’est bien la dimension politique du bâtiment 7 qui sous-tendait cette fête de solidarité. Et
comme le soulignait Judith de la chorale libertaire de la Pointe : « après avoir chanté 10 ans en face du bâtiment 7, ce soir enfin, nous chantons en dedans ». Tout un chemin parcouru depuis cette première plantation symbolique d’un drapeau par la Coalition Action-Gardien en 2004 sur les terrains du CN. 25% de logements sociaux obtenus, victoire contre le casino et son centre de foires, ne sont que quelques-unes de luttes qui ont accouché de plusieurs victoires populaires dont celle d’avoir empêchée la démolition du bâtiment 7.
Et la dernière « toune » de la chorale en ce 31 décembre 2017 fut celle intitulée « Résistance » sur l’air de la chanson révolutionnaire Makhnovtchina d’origine ukrainienne et qui ramassait bien ce chemin tortueux et difficile que doivent emprunter les luttes. Nous vous offrons ces paroles écrites en 2007 et adaptées au parcours de la résistance locale.
Sur l’air de la Makhnovtchina
Chanson libertaire ukrainienne
Hymne à la résistance.
Résistance, Résistance
Nos espoirs sont là tout devant
Nous souvenant de notre histoire
Nous résisterons longtemps
Nous souvenant de notre histoire
Nous résisterons longtemps
Du Carrefour à la Clinique
Partout les forces populaires
Fustigeant tous les septiques
Ont montré leur savoir-faire
Fustigeant tous les septiques
Ont montré leur savoir-faire
Le casino et le Cirque
Fourberie des opportunistes
Le quartier s’est mobilisé
Et ils ont été chassés
Le quartier s’est mobilisé
Et ils ont été chassés
Résistance, Résistance
Nos espoirs sont là tout devant
Nous souvenant de notre histoire
Nous résisterons longtemps
Nous souvenant de notre histoire
Nous résisterons longtemps
Face aux forces immobilières
Qui cherche à nous expulser
Ils nous déclarent la guerre
Notre choix c’est de lutter
Ils nous déclarent la guerre
Notre choix c’est de lutter
Résistants et résistantes
En mémoire de tous ces hommes
Et surtout de toutes ces femmes
Qui ont fait sauter les normes
Et surtout de toutes ces femmes
Qui ont fait sauter les normes
La Pointe, quartier populaire
Fière de sa dignité
Rêve au projet libertaire
D’un quartier autogéré
Rêve au projet libertaire
D’un quartier autogéré
Résistance, Résistance
Nos espoirs sont là devant
Nous souvenant de notre histoire
Nous résisterons longtemps
Nous souvenant de notre histoire
Nous résisterons longtemps
Demeurer à contre-courant en 2018…
Dès la deuxième semaine de ce mois de janvier, le Collectif 7ànous remplace l’entrepreneur privé qui a mené les travaux jusqu’ici. Le B7 a obtenu son accréditation d’entrepreneur et la fin des travaux sera sous sa responsabilité y compris les derniers travaux du « Faire soit même » le DIY où de nombreux bénévoles auront l’occasion de mettre la main à la pâte. Vaincus ou contournés les formidables normes bureaucratiques nous encerclant littéralement, l’équipe du B7 est désormais maître d’œuvre de la Fabrique d’autonomie collective. On pourrait s’y casser les dents, plein de choses peuvent arriver. Mais si la résistance nous a menés jusqu’ici, elle peut sans doute nous conduire plus loin. Voilà pour les travaux en cours vers une ouverture dans les alentours d’avril, dans moins de 4 mois.
Nous menons plusieurs combats à la fois. Sur des enjeux bien terre-à-terre comme la rénovation d’une bâtisse, mais aussi sur le sens du projet que nous construisons.
Malgré des succès de résistances indéniables, le quartier recule face au phénomène d’embourgeoisement général. Comme tous les autres quartiers dans cette ville nous traversons depuis le début de la vague condo une période de dépossession du territoire par l’industrie immobilière avec le soutien tacite (via les règlements, l’urbanisme et les lois) des gouvernements locaux ou nationaux.
Et nous-mêmes militantes et militants radicaux qui voulons faire vivre de cette Fabrique d’autonomie collective (pour en savoir davantage) nous traînons un bagage considérable d’embourgeoisement culturel. Des enjeux politiques et éthiques qui, si nous ne les abordons pas de front, risquent de nous faire basculer, sans qu’on ne s’en rende toujours compte, du côté des puissants.
Bien sûr ces préoccupations politiques et éthiques nous les avons inscrites dans nos objectifs. Mais il faudra les clarifier parce que sur le terrain les divers services que nous nous mettrons à la disposition de la communauté à partir d’avril doivent non seulement être accessibles, mais doivent faire l’objet d’un esprit appropriation de CE COMMUN qui nous sort de la logique capitaliste. Ce sera sans doute la seule façon de vraiment de créer un ilot subversif, autonome et permanent de résistance à « l’envahisseur » et qui pourra s’étendre.
Ça ne se fera pas du jour au lendemain, car sortir de l’ornière capitaliste dans un milieu où les projets sont évalués et financés à la lumière des « starts up » et du concept des innovations, sociales ou autrement technologiques, reste éminemment un défi. D’autant plus, que nous sommes loin de vivre dans un contexte ou une conjoncture de remise en question des pouvoirs de l’argent reste encore faible.
Rediriger la lutte à l’embourgeoisement à partir du B7
Sur le territoire d’une ville comme Montréal, la lutte à l’embourgeoisement est une des principales facettes de la lutte contre la société capitaliste.
Pourtant, objectivement le projet bâtiment 7, avec sa première phase totalisant des investissements de 4.2 millions$ est une attraction pour les promoteurs privés cherchant à vendre leurs nouveaux projets de condo dans les environs. Imaginez, des services qui s’installent avant même que les condos soient construits. Le B7 est sollicité par des promoteurs privés qui flairent la bonne affaire.
Le B7 a la formidable occasion de proposer une appropriation collective du territoire et de ses projets de vie collective, bref une vision autonome qui sortirait des sentiers battus.
Lutter contre l’embourgeoisement c’est-à-dire directement contre l’industrie immobilière reste le premier objectif visé bien que les succès des mouvements sociaux restent faibles à cet égard.
Mais à son niveau, le collectif 7ànous peut aussi faire en sorte qu’une partie des nouveaux arrivants de ces condos partage et s’implique dans ce projet de transformation sociale, politique, économique et écologique qu’est le B7 avec en toile de fond la justice sociale. Ces nouveaux propriétaires de condos, qui sont probablement et majoritairement des salariéEs (professeurEs de primaire, technicienNEs, cols blancs à la Ville, bref de ce qu’on nomme la classe moyenne), il faut les inviter à repenser autrement la solidarité de par leurs impôts à l’État qui les désintéressent finalement des vrais problèmes de terrain. Il faut qu’ils mettent directement la main à la pâte et la prise de contact avec des projets de justice sociale sur le terrain avec les déshéritéEs.
Il n’en tient qu’à nous militantes et militants radicaux de proposer et de dégager des pistes (luttes, éducation, réflexions et autres activités) menant à une sortie de la logique capitaliste. 2018 et espérons-le les années suivantes pourront faire du B7 un casseur de moules capitalistes qui étouffe la société. Bref se retrouver sur des positions de classes sociales solidaires.
Ce sont les meilleurs vœux que nous pouvons nous souhaiter.