Moment historique comme l’affirmait François Saillant du FRAPRU à la tribune précédant le parcours de la manifestation. En effet, plus de 1350 groupes communautaires de services et de défense des droits à travers le Québec ont fermé leurs portes durant 2 jours. Cette première grève de l’histoire est-elle un aperçu de ce que pourrait être une grève sociale contre l’austérité? À Montréal, les quelque 350 groupes en grève ont mobilisé environ 7000 personnes à la marche.
Dans le sud-ouest plus tôt en avant-midi, environ 200 personnes ont marché du CEDA jusqu’au Carrefour d’éducation populaire de la Pointe pour dénoncer une fois de plus la menace de fermeture des 6 centres d’éducation populaire de Montréal, dont le CEDA et le Carrefour. Elles ont par la suite été invitées à se joindre à la manif montréalaise.
Toute cette agitation du mouvement populaire se produit dans une période de bras de fer des mouvements sociaux contre les mesures d’austérité du gouvernement Couillard. Cependant, c’est le Front commun des centrales syndicales pour le renouvellement des conventions des 500 000 employé-e-s de l’État, qui mène pour ainsi dire le tempo et la stratégie générale. Mouvement communautaire, mouvement étudiant et mouvement féministe ne font pas le poids vis-à-vis le milieu syndical. D’ailleurs, les actions et les mobilisations de tous ces mouvements se font en ordre dispersé, sans coordination, ce qui laisse la porte ouverte à des tactiques gouvernementales du diviser pour régner.
Le même traitement qu’en Europe
Couillard et ses 3 ministres, économistes en plus, ayant fait carrière dans les banques, entendent imposer la même médecine appliquée par l’ensemble des pays européens suite à la crise de 2008-2009. L’objectif général : casser les réseaux de services étatiques et publics pour favoriser la privatisation capitaliste. En d’autres mots, une sorte de guerre étatique de basse intensité à l’encontre de la société civile organisée afin de marginaliser les oppositions.
Une stratégie politique qui protège le système
Les leaders des mouvements sociaux et les bureaucrates syndicaux savent tout ça. Mais pendant que la grogne règne à la base, la stratégie principale demeure la négociation « de bonne foi » comme ils disent. De plus tous les leaders des mouvements sociaux semblent se plier à l’idée que des démonstrations de forces par des manifestations de rue seront suffisantes pour faire reculer le gouvernement. Le problème c’est qu’ils réussissent à « imposer » cette seule idée à la base. L’histoire récente de la grève étudiante de 2102 a démontré amplement que ces seules actions n’étaient plus suffisantes aujourd’hui vu l’exacerbation des tensions entre le développement capitaliste de la société, que l’ensemble de la « classe politique » supporte, et le bien-être de la population.
L’enjeu à court terme c’est le recul significatif de l’ensemble des conditions de vie de la majorité au profit de la domination économique et politique. Si la social-démocratie, largement dominante chez les leaders des mouvements sociaux, était logique avec ses propres convictions elle n’hésiterait pas « à laisser » la grogne de la base émerger sous forme de stratégies d’actions diverses et perturbatrices contre les activités gouvernementales et la domination économique pour freiner les reculs. En fin de compte, la stratégie générale actuelle vise deux objectifs. Contenir la grogne de la base et protéger son pouvoir et son rapport politiques à l’intérieur du système. Cette perspective n’est pas aussi visible dans le mouvement communautaire à cause principalement de ses structures plus décentralisées et moins coercitives que les organisations syndicales. Mais elles se manifestent tout aussi pernicieusement lorsque vient le temps de faire front commun face à l’État comme le démontre la faible cohésion tactique et stratégique de l’INTERCEP (la coalition des 6 centre d’éducation populaire à Montréal).
D’où peut partir la grève sociale ?
Dans la conjoncture la grève de 2 jours d’une partie du communautaire indique une certaine angoisse qui commence à s’installer à la base autant chez les employé-e-s que chez les usagers-ères. C’est un élément somme toute positif, s’il sert à réfléchir et à mobiliser. Cependant, un grand rattrapage reste à faire. La dépolitisation continue des mouvements sociaux sur une période de 25 ans à partir des années 1980 a affaibli considérablement la capacité des forces sociales à agir face aux pouvoirs politiques et économiques dominants. Voilà le constat.
Maintenant, comment profiter de ces mobilisations et de cette petite effervescence pour éviter que ces énergies ne retombent à plat et qu’en fin de compte ce soit plus démobilisateur qu’autre chose? Il faudrait qu’émergent de manière autonome les oppositions minoritaires organisées et réseautées prêtes à déranger le gouvernement, le perturber. Bref à créer un véritable rapport de force insufflant ainsi une plus grande confiance en soi collective dans les mouvements sociaux.
Ça commence chez nous
De notre côté au niveau local, plus précisément à la Pointe, un enjeu à court terme, le plus important c’est celui de la survie du Carrefour d’éducation populaire. Il ne faut pas seulement qu’il survive, mais qu’il se réinvente c’est-à-dire qu’il pousse plus loin l’éducation populaire vers l’émancipation. Tous les ingrédients pour ouvrir à la fois une bataille de fond contre la logique de l’État et parallèlement redonner souffle à cette alternative d’éducation populaire sont réuni.
Il s’agit de faire en sorte que ces éléments puissent être mis en place au bon moment c’est-à-dire dès maintenant.